Maintes fois on a déposé sur mes épaules, des oiseaux aux ailes de culpabilité. Autrefois, comme j'avais l'estime fragile, je les laissais m'envahir. Parfois de façon consciente, parfois sans que je ne m'en rende compte, ils m'alourdissaient de questionnements, de colères et surtout, d'un profond sentiment de rejet et d'injustice.
Grâce à plusieurs événements récurrents des dernières années, j'ai pu saisir l'essence que j'incarnais pour ces femmes. J'étais pour elles un personnage maléfique. Pourtant, je n'avais aucune intention autre que celle d'être moi-même, d'assumer viscéralement l'impact de ma présence lumineuse dans la vie des autres. Comprenez-moi bien. Je tente d'utiliser ce terme dans la plus grande humilité. De par ma nature candide (voir parfois naïve) et ma propension à l'écoute active, j'ai piqué inconsciemment la curiosité de gens qui vivaient, depuis longtemps, dans la caverne obscurcie de l'inconfort connu.
Pour eux, ce fut suffisant pour faire naitre le "désir" d'un mode de vie différent. La conscientisation du manque de cohérence entre leurs valeurs, leurs comportements, leurs sentiments donne parfois lieu à de nouvelles affirmations qui déferlent dans le quotidien de façon torrentielle. Les impacts sur l'entourage sont percutants, voire violents. S'il est possible de faire preuve d'empathie face aux répercussions des changements, je me questionne pourtant sur les motivations qui se cachent sous la nécessité de mettre un blâme, d'imputer la faute sur l'autre. À quoi sert de blâmer le soleil si la pomme qui est tombée de l'arbre avait acquis la maturité suffisante pour poursuivre sa vie vers le cycle suivant?
Quelques femmes ont bien voulu me faire porter leurs oiseaux de malheur. Elles devaient m'assoir au banc des accusés afin de pouvoir entamer leur processus de deuil relationnel. Je conçois, avec beaucoup d'empathie et de tendresse, leur besoin viscéral de trouver des explications. Bien que tordues par les filtres de leur souffrance, elles sont légitimes. Or, ironiquement, faire de moi une sorcière, une croqueuse, ou une démone leur servait d'antidote face à un poison qu'elle avait elle-même concocté. Le refus d'admettre leurs responsabilités n'aurait jamais dû les autoriser à faire de moi leur perchoir. En cela, je suis délicieusement complice de leur manège. Ma nature était autrefois taillée dans un bois pur mais trop fragile.
Avec le temps, j'ai réussi à développer un changement de perception extraordinaire face aux oiseaux de malheurs des autres. Ils peuvent encore se poser sur moi. Or, j'ai réussi à les apprivoiser. Des jours, j'arrive même à les nourrir de bons mots, à un tel point qu'ils pourront bientôt permettre certaines de mes envolées de sérénité. En attendant, je m'accommode plutôt bien de l'odeur désagréable de leurs fientes. Je me dis, le coeur tout emplumé de joie, qu'au fond, cette merde, c'est aussi de la chance!
Juliette Vigneault
Dimanche 10 juillet 2022
#proésie
Art : Lach Neilson
Grâce à plusieurs événements récurrents des dernières années, j'ai pu saisir l'essence que j'incarnais pour ces femmes. J'étais pour elles un personnage maléfique. Pourtant, je n'avais aucune intention autre que celle d'être moi-même, d'assumer viscéralement l'impact de ma présence lumineuse dans la vie des autres. Comprenez-moi bien. Je tente d'utiliser ce terme dans la plus grande humilité. De par ma nature candide (voir parfois naïve) et ma propension à l'écoute active, j'ai piqué inconsciemment la curiosité de gens qui vivaient, depuis longtemps, dans la caverne obscurcie de l'inconfort connu.
Pour eux, ce fut suffisant pour faire naitre le "désir" d'un mode de vie différent. La conscientisation du manque de cohérence entre leurs valeurs, leurs comportements, leurs sentiments donne parfois lieu à de nouvelles affirmations qui déferlent dans le quotidien de façon torrentielle. Les impacts sur l'entourage sont percutants, voire violents. S'il est possible de faire preuve d'empathie face aux répercussions des changements, je me questionne pourtant sur les motivations qui se cachent sous la nécessité de mettre un blâme, d'imputer la faute sur l'autre. À quoi sert de blâmer le soleil si la pomme qui est tombée de l'arbre avait acquis la maturité suffisante pour poursuivre sa vie vers le cycle suivant?
Quelques femmes ont bien voulu me faire porter leurs oiseaux de malheur. Elles devaient m'assoir au banc des accusés afin de pouvoir entamer leur processus de deuil relationnel. Je conçois, avec beaucoup d'empathie et de tendresse, leur besoin viscéral de trouver des explications. Bien que tordues par les filtres de leur souffrance, elles sont légitimes. Or, ironiquement, faire de moi une sorcière, une croqueuse, ou une démone leur servait d'antidote face à un poison qu'elle avait elle-même concocté. Le refus d'admettre leurs responsabilités n'aurait jamais dû les autoriser à faire de moi leur perchoir. En cela, je suis délicieusement complice de leur manège. Ma nature était autrefois taillée dans un bois pur mais trop fragile.
Avec le temps, j'ai réussi à développer un changement de perception extraordinaire face aux oiseaux de malheurs des autres. Ils peuvent encore se poser sur moi. Or, j'ai réussi à les apprivoiser. Des jours, j'arrive même à les nourrir de bons mots, à un tel point qu'ils pourront bientôt permettre certaines de mes envolées de sérénité. En attendant, je m'accommode plutôt bien de l'odeur désagréable de leurs fientes. Je me dis, le coeur tout emplumé de joie, qu'au fond, cette merde, c'est aussi de la chance!
Juliette Vigneault
Dimanche 10 juillet 2022
#proésie
Art : Lach Neilson